

Le lieutenant allemand Von Götzen ne devait guère avoir l'âme guerrière lorsqu'il fonda le poste de Gisenyi, un
beau jour de 1894. Il ne pouvait choisir dans tout le Rwanda site plus romantique. Gisenyi se trouve à l'extrémité de la chaîne des volcans du Birunga qui plonge dans l'extrémité nord du lac Kivu.
Attenant à la ville, mais au Congo voisin se trouve la fameuse ville de Goma.

En prime le soir, le lieutenant allemand pouvait admirer la couronne de nuages au-dessus du Nyiragongo,
rougeoyant de tous les feux de l'enfer (un spectacle que l'on peut admirer encore aujourd'hui, le lac de lave au
fond du cratère étant toujours actif), car le volcan était en train de se réveiller. Les indigènes furent pris de panique
par ses bruits et lueurs maléfiques. Le lieutenant entrepris de gravir le volcan pour découvrir la raison du prodige,
et c'est ainsi que le futur gouverneur du protectorat allemand du Rwanda devint le premier Européen a à gravir le
Nyiragongo. Malheureusement pour les habitants de Goma, le 17 janvier 2002, le volcan s'est réveillé à nouveau
(après 24 ans d'inactivité) et 471 millions de tonnes de lave ravagent la région. Miraculeusement, la coulée s'arrête aux portes de Gisenyi, après avoir totalement recouvert Goma (Si vous avez installé Google Earth, en cliquant sur le fichier joint, vous pourrez découvrir les photos satellites de Gisenyi et des volcans environnants avant la coulée
de lave).

La population de Gisenyi est estimée à 70'000 habitants et la ville est aujourd'hui considérée comme la station
balnéaire du Rwanda. Mais elle revient de loin. Ancienne riviera de rêve sous la colonisation belge, Gisenyi a subit
ces dernières années le contrecoup des troubles au Congo voisin. Les dernières incursions des milices
interhahamwe remonte à 1998 (jusqu'à cette date, il était d'ailleurs déconseillé de faire par route le trajet de Kigali
vers Gisenyi). Mais aujourd'hui la situation est sécurisée, même si il reste encore des camps de transit du HCR pour les gens qui rentrent.
Imaginez aujourd'hui 5 kilomètres de sable fin au bord d'un lac à 1400 mètres d'altitude sous les chaleurs de l'Equateur et la brise légère du lac. Les hôtels se sont développés (dont
deux avec piscine) et la route vers la capitale est goudronnée sur son intégralité.


Au bord de la route, on peut admirer les fours à briques qui seront par la suite utilisées pour la construction des maisons (le gouvernement poussant à la construction de maisons
carrées en briques plutôt que des huttes rondes en terre).

En dehors du repos et de la baignade, Gisenyi offre de nombreuses promenades sur les rives du lac ou les collines environnantes. De là on discerne parfaitement la ville de Goma
ainsi que toute la rive congolaise.

Le long de la corniche se trouve « le Paradis », une superbe place sur la corniche, spécialisé dans le poisson frais grillé. Depuis deux ans, des bungalows permettent aux touristes de
passer le week-end loin du bruit de la ville et des tours en bateaux sont organisés sur l'île voisine.


Au bout de la corniche se trouve la brasserie BALIRWA (Brasserie et Limonades du Rwanda) qui produit les
bières de tout le pays (Primus, Mützig, Guiness). Sa particularité est de tirer son énergie du gaz méthane extrait
de l'eau du lac (présent en raison de sa proximité avec la faille volcanique) par une unité de pompage-pilote.
De part sa proximité avec Goma et les bonnes voies de communication par le Rwanda vers le port de Dar El
Salam, Gisenyi est très prisée également par les congolais de Goma, se sentant beaucoup trop loin de leur capitale Kinsahsa, située à deux fois la traversée de l'Europe. Une bonne partie du commerce et de
l'approvisionnement de Goma se fait via Gisenyi. Je vous laisse imaginer donc la catastrophe économique que
cela génère lorsque les deux pays décident de fermer leurs frontières en raison de contentieux, sur le Nord-Kivu
en général et les ex-rebelles FDLR (Forces de Libération du Rwanda – ex génocidaires Hutus) toujours présent dans le maquis congolais.
Croyez-moi, Gisenyi est une destination rêvée (bien qu'à environ 4h de route de Kigali) pour s'échapper l'espace d'un week-end de la fourmilière de la capitale. Mais c'est aussi sa
misère, comme l'explique l'article suivant.



La prostitution, un suicide vital
(Nouvel Horizon 10/03/2006)
Pour nourrir enfants, frères et sœurs, quitte à mourir du sida, les jeunes prostituées de Gisenyi, à l'ouest du
Rwanda, font ce choix. Un lent suicide…
" Qui vous a dit qu'il y a une différence entre mourir du sida et mourir de faim ? Je préfère mourir seule du
VIH/Sida. Si je ne fais pas la prostitution, mes deux enfants et mes trois frères et sœurs vont mourir de faim ",
explique une jeune femme de 18 ans, mère de deux enfants et infectée par le sida. Le résultat de son test le lui
a appris en septembre dernier. Depuis lors, elle continue à se prostituer et à transmettre le virus à ses clients. Pour sa survie et celle de sa famille.
A Gisenyi, une ville au bord du lac Kivu, à l'ouest du Rwanda, le nombre de jeunes prostituées comme elle, ne
cesse de croître. La présence des militaires de la Mission des Nations Unies au Congo (Monuc) et des agents des
organismes internationaux à Goma toute proche, les y encourage. De nombreux hommes d'affaires congolais viennent aussi souvent à Gisenyi où les banques et les assurances fonctionnent mieux.
De nombreuses jeunes filles rwandaises et congolaises exercent ainsi ce métier des deux côtés de la frontière. À
Gisenyi, de 2004 à 2005, le nombre de prostituées recensées est passé de 187 à 236. Dix d'entre elles sont
mortes atteintes par les maladies qui accompagnent le sida comme la tuberculose ou terrassées par la malaria.
Près de 80 % seraient atteintes du sida, selon les dépistages récents. Mais, peu importe à ces filles qui ne se
préoccupent pas du sida. Elles déclarent qu'elles gagnent alors trois fois plus si elles ne mettent pas de
préservatif, soit à peu près 3 000 F Cfa (7,5 CHF) la passe au lieu de 1 000 F (2,5 CHF). C'est pourquoi elles
acceptent les clients qui ne sont pas protégés : " Ils payent bien. Et en plus, ce qui me fait peur ce n'est pas le
sida, c'est plutôt la grossesse indésirable qui me donne plus de charges ", déclare une autre prostituée.
La plupart d'entre elles commencent très jeunes à vendre leur corps, parfois dès 14 ans. Elles se
servent de cet argent pour nourrir les enfants issus de la prostitution et les frères et sœurs restés au village. Elles sont toutes conscientes des risques qu'elles courent, mais ne parviennent pas à
abandonner le métier. Leur profession étant illégale, elles sont pourchassées par la police et en plus, elles subissent les violences sexuelles et physiques des clients, mais aussi des militaires et
policiers en patrouille.
Une dame, Mme Mutesi Olive, a cherché à leur faire changer de comportement et de métier en les
regroupant dans l'Association des filles et femmes libres de Gisenyi. Mais, elle manque de financements et certains projets qui avaient pu être lancés ont échoué, comme le restaurant qui
n'a marché que pendant 8 mois avant de faire faillite. Quand ils ont appris qu'il était tenu par des prostituées souvent atteintes du VIH/sida, les clients ont fui petit à petit. Seules sept d'entre elles
ont réussi des micros projets.
du 02 au 08 mars 2006, © Copyright Nouvel Horizon

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